mercredi 16 janvier 2013

L'image du végétarien

Je constate que dans les films et les téléséries, les végétariens sont souvent présentés comme des extrémistes enragés adhérant à toutes les croyances nouvelâgeuses. Ça m'a marqué parce que, dans la vie, tous les végétariens que je connais (dont moi) sont des gens avec un esprit critique extrêmement développé, tandis qu'aucun des ésotériques que je connais n'est végétarien. Évidemment, mon entourage n'est peut-être pas un échantillon représentatif.

Pour moi, l'image du végétarisme et du végétarien est quelque chose d'important. J'ai l'impression qu'il doit y avoir des gens qui ne sont pas végétariens, non parce qu'ils n'adhèrent pas à ses principes éthiques ou parce qu'ils aiment trop la viande, mais uniquement parce qu'ils ne veulent pas être mis sous ce label qu'ils considèrent négatif. Un peu comme l'homosexualité il n'y a pas si longtemps, celui qui a des tendances végétariennes s'efforcent de manger de la viande et de dénigrer le tofu (même s'il n'y a jamais goûté) parce qu'il répugne à être associé au fictif «végétarien enragé».

Je pense donc qu'une partie du «devoir» du végétarien est de redorer l'image du végétarisme de façon à ce que ce soit vu de plus en plus comme quelque chose de positif et, donc, que plus de gens choisissent cette alimentation. Je me suis donc donné une sorte de «code de conduite» à cet effet. En fait, ce n'est qu'une version plus spécifique des principes que j'applique à tout débat auquel je participe.
  • Je n'aborde le sujet de mon végétarisme que si on m'en parle en premier (ce qui arrive assez souvent de toute façon).
  • Lorsque je rencontre une nouvelle personne, j'essaie qu'elle apprenne à bien me connaître avant de lui laisser découvrir mon végétarisme (pour ne pas que ses potentiels préjugés sur les végétariens lui donne une mauvaise image de moi dès le départ).
  • Je vais toujours exposer mon point en soulignant que je dis pourquoi moi je suis végétarien mais que cela ne s'applique pas nécessairement à d'autres.
  • Je démontre qu'il ne s'agit pas d'un tabou alimentaire en exprimant et en décrivant les contextes lors desquels je mangerais de la viande.
  • J'accepte occasionnellement certains accommodements, comme de manger une soupe qui contient un peu de gras de poulet si c'est tout ce que mon hôte a à m'offrir.
  • Je rassure l'autre sur sa valeur morale. Par exemple, en révélant que je n'ai jamais vraiment aimé la viande mais que, si je découvrais que le chocolat ou le beurre de peanuts était produit d'une façon horrible, je ne serais peut-être pas capable d'arrêter d'en manger.
  • S'il me dit quelque chose comme «J'essaie de manger moins de viande» ou «J'achète souvent ma viande chez des petits producteurs plus éthiques», je vais l'approuver dans son effort (et ce sera sincère, j'encourage le semi-végétarisme) plutôt que de lui dire que c'est insuffisant.
  • J'essaie de savoir pourquoi mon interlocuteur n'est pas végétarien et j'adapte mon discours en conséquence, tout en tâchant de le respecter dans ses croyances. Je peux toutefois en profiter pour souligner que ma position antispéciste repose sur une conception plus scientifique de l'être humain et de l'animal, qui ne met pas de fossé entre les deux.
  • Si je mange un plat végétarien devant lui, je vais lui faire goûter pour qu'il voit que ce n'est pas aussi mauvais et fade que le prétendent ceux qui n'y ont jamais goûté.
  • Il ne faut pas avoir l'air d'être végétarien par «sensiblerie». J'essaie donc de faire des parallèles avec les droits que l'on donne aux personnes (nul ne considère que c'est faire preuve de sensiblerie que de s'abstenir de tuer son voisin pour lui voler sa télé) sans non plus aller trop loin dans cette direction puisque beaucoup associent cela à de l'extrémisme, surtout s'il s'agit de faire appel aux émotions.
  • Je demeure calme, bienveillant et rationnel.
  • Parfois je vais me retenir un peu de dire ce que je pense vraiment si je sens que la personne risque de le percevoir comme une attaque envers elle.
  • Je ne m'acharne pas et je change de sujet si la personne confesse que sa consommation de viande n'est pas un choix reposant sur la raison. Par exemple, si elle dit «J'aime trop la viande de toute façon».

Ça a l'air de rien mais c'est très totché. Je suis dans une situation où l'autre me demande d'expliquer et de défendre pourquoi je considère qu'une pratique à laquelle il est très attachée est contraire à l'éthique, et je dois faire cela sans pour autant qu'il ne se sente dénigré par mes paroles. Ce n'est pas évident. Parfois j'ai l'impression que lorsque l'on me demande «Pourquoi t'es végétarien?» la seule réponse permise est «Aucune raison. Parce je suis un imbécile, voilà tout.» car même si j'essaie d'exprimer rationnellement et posément mes raisons, certains vont tout de même me considérer extrémiste et intolérant.

Bref, tout ça pour dire que je pense que briser les préjugés sur le végétarisme et améliorer son image est quelque chose de nécessaire. C'est aussi important pour la cause que l'est le boycott de la viande.

7 commentaires:

  1. J'aimerais croiser plus de végétariens comme toi (comme ça je pourrais gouter des tas de plats chouettes) ! Mais surtout, le fait de présenter ses idées de façon aussi ouverte et tolérante gagnerait à être plus partagée :-) Je me reconnais dans cette approche quand j'essaie d'expliquer pourquoi je suis athée et féministe (mais j'arrive moins à être tolérante dans ce dernier cas, vu la mauvaise foi ambiante, j'avoue). Je ne suis pas végétarienne, car j'aime trop la viande... Je reconnais donc que je suis moins rationnelle que toi en tant que végétarien :-)

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    1. Salut Unknown, merci de me lire. Le lien que tu fais avec l'athéisme et le féminisme est tout à fait vrai, je trouve. Moi aussi ce sont d'autres sujets sur lesquels je dois adopter une stratégie semblable. En effet, expliquer à l'autre pourquoi l'on ne croit pas que Dieu existe, sans pour autant qu'il sente qu'on le trouve stupide d'y croire, c'est loin d'être facile. C'est pourquoi, là aussi, je m'arrête lorsqu'il admet que sa croyance ne repose pas sur la raison, en disant quelque chose comme «Je le sens» ou «J'ai la foi». C'est lorsque le croyant prétend avoir des preuves que Dieu existe que je ne vais pas me gêner pour argumenter.

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  2. Bonjour,
    C'est un plaisir de lire quelqu'un qui fait des choix sensé, rationnels et conforme à son éthique. Je ne partage pas ton opinion alimentaire puisque j'aime la viande et que j'aime trop manger. La relation avec la nourriture est intimement liée à l'affectif et en cela il est difficile d'avoir des interlocuteurs "rationnels", quel que soit leur position. Pour ma part et malheureusement j'ai aussi la vision du végétarien extrémiste, mais elle est liée à une partie de ma famille qui est végétarien par conviction religieuse (quasi sectaire à mon sens) et tu ne peux pas nié qu'une frange (dont j'ignore la proportion) des végétariens le fait pour des raisons éminemment irrationnelles contrairement à toi. Ce que je souhaite pour tout un chacun, c'est d'être capable de faire ses choix en toute connaissance de cause et libre arbitre et sans être dans une démarche de dénie ou d'opposition. Je te souhaite succès dans ton engagement pour un végétarisme éclairé.
    Philippe

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    1. Bonjour Sapphyre,

      Il existe sûrement plusieurs végétariens qui sont effectivement du type «extrémistes» ou qui le font pour des raisons religieuses. Il y a certains religions, sectes ou mouvements nouvelâgeux qui prône le végétarisme mais en tant que tabou alimentaire et non que principe éthique. Je ne sais que penser de ça... une pratique que je trouve "bonne" éthiquement mais basée sur une croyance que je trouve fausse. Je n'en ai pas dans mon entourage immédiat mais ça existe très certainement.

      Je trouve dommage que l'on emploie le même mot pour parler du végétarisme éthique et du végétarisme religieux. Je me sens plus «proche» dans ma vision du monde, d'un non-végétarien sceptique que d'un croyant végétarien.

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    2. Bonjour
      Personnellement, je me concidere comme extremiste végétarien. Contre la souffrance d'etre vivant, alors oui, j'assume, je ne fais pas dans la demi mesure.. je suis totalement contre.

      On me le dit souvent ça "ho, t'es un peu extremiste..."
      Pour ne pas faire souffrir et tuer les animaux... Bin oui, je suis extremement contre...
      Je ne vais pas etre un peu contre la souffrance.

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    3. Je comprends tout à fait et je partage ton opinion. Je suis complètement contre la souffrance. Mais j'essaie d'adopter une façon de présenter mon végétarisme qui soit bien reçue par les non-végétariens.

      Puisque le végétarisme d'une seule personne n'apporte pas grand chose en soi, et que c'est la somme de tous les végétariens qui fait une différence, je me dis que c'est important qu'il y ait de plus en plus de végétariens. À cette fin, j'essaie que mon végétarisme soit perçu par les gens comme quelque chose de positif, et donc je le présente de façon à éviter qu'on puisse me répondre «t'es extrémiste!» Mais c'est pas facile, surtout face aux plus extrémistes des carnistes.

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  3. Je pense qu'il y a une autre approche possible :
    Faire comprendre publiquement que le message est rationnel, cohérent, et donc inévitable, indépendamment de celui qui transmet le message.

    Quelqu'un qui déclare "Je sais que ce que tu dis est vrai, mais je ne t'aime pas, donc je vais faire comme si ce que tu dis était faux." est dans une position totalement absurde, irrationnelle.
    On n'a pas besoin de se référer à l'image des autres personnes qui s'abstiennent de manger des animaux, pour comprendre que manger des animaux -dans le seul but de conserver le privilège de son plaisir gustatif remplaçable- est un choix absurde et injuste.

    Je suis moi-même devenu végétarien il y a 17 ans, sans rien connaître des autres végétariens, et en les croyant religieux ou hypersensibles. Ca ne m'a pas empêché de comprendre que mon choix était logique et nécessaire indépendamment des autres.

    Donc déclarer publiquement que le discours doit être pris pour ce qu'il est, et non pas pour l'image qu'on a de ceux qui en parlent, c'est aussi important. (Décorréler les deux au niveau public, au lieu de maintenir cette corrélation et laisser chaque militant se débrouiller au niveau individuel avec ça...)

    Parler publiquement de végéphobie aussi, ça peut être une autre piste.
    (De la même manière que déconstruire publiquement les clichés anti-féministes est une stratégie parallèle au fait de chercher à être à tout prix soi-même une gentille féministe pour pouvoir être écoutée... Et même chose pour toutes les autres causes.)

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