Au Québec, nous avons inventé les cégeps. À l'inverse des universités, ces établissements d'études post-secondaires ont pour but de démocratiser la connaissance. Ils sont abordables et présents dans toutes les régions. Leur fonction est de préparer les étudiants à l'université ou au marché du travail, selon le programme choisi. Les cours généraux (littérature et philosophie) permettent aux jeunes de toutes les disciplines d'acquérir des connaissances générales de base. Certains considèrent parfois l'idée d'abolir les cégeps. À mes yeux ce serait une grave erreur (et je ne dis pas ça seulement parce que je veux devenir prof au cégep). Ces établissements ont très certainement une bonne part du mérite dans notre sortie de la Grande Noirceur. Les cégeps ne veulent pas seulement instruire une élite économique, mais l'ensemble de la société.
Je réfléchissais donc à tout ça et j'essayais de trouver des idées du même genre que celle qui a mené à la genèse des cégeps. Des idées à la fois pour rendre l'acquisition de connaissances moins coûteuse pour celui qui veut apprendre, mais également pour l'ensemble de la société qui finance les établissements scolaires.
D'abord, je pensais à élargir le mandat du cégep en:
- Transférant le secondaire 5 vers le cégep. C'est-à-dire les cours de la cinquième secondaire mais sous la formule du collégial. Il y existe déjà le programme «accueil et intégration» qui est pas mal ça, sauf que là il deviendrait la seule façon d'avoir son secondaire 5. Ainsi, comme l'étudiant serait déjà dans l'établissement, ça serait incitatif pour la poursuite de ses études.
- Donnant des cours de premières années de baccalauréat pour certaines disciplines. Je pense surtout aux domaines des arts, de la philosophie, de l'histoire et des sciences sociales. Sans les rendre aussi approfondis que les baccalauréats, des programmes collégiaux qui auraient pour but d'explorer ces domaines en surface devraient être offerts dans les cégeps. Ce ne serait que des petits programmes de dix cours mais qui exigeraient d'avoir déjà un DEC; des genres de «compléments». Ils pourraient être une compensation pour ceux qui n'ont pas eu la chance d'obtenir les bourses nécessaires à l'inscription à un programme universitaire et, en même temps, rendrait l'étudiant plus érudits dans son domaine ce qui augmenterait ses chances d'avoir une bourse universitaire pour la session suivante. Surtout, cela permettrait à ceux qui veulent connaître ces disciplines sans nécessairement s'y chercher une profession, d'étudier à peu de frais.
- Fusionnant les écoles professionnelles aux cégeps, pour pouvoir ensuite créer des programmes qui mixent des cours collégiaux et des cours professionnels. Nombre de programmes universitaires ne mènent pas nécessairement à un quelconque débouché sur le marché du travail. Le diplômé devient donc un érudit mais n'a pas de formation qui lui permette de travailler. Je me disais que ces programmes mixtes permettraient à l'étudiant de combiner un programme plus «manuel» qui lui donnera un emploi, à un programme plus intellectuel qui lui donnera des connaissances intéressantes.
- Rajoutant, dans les cours généraux communs à tous les programmes, des cours sur des choses plus terre-à-terre mais qui sont nécessaire à chacun dans le quotidien. Par exemple, un cour d'économie familiale pour que les gens puissent apprendre comment se chercher un appartement, postuler pour un emploi, se faire à manger tout seul, conduire (oui, les cégeps assimileraient les écoles de conduite), remplir son rapport d'impôts, etc.
Finalement, je réfléchissais aussi au fait que les bibliothèques publiques sont des endroits accessibles gratuitement qui renferment des tonnes de connaissances. Internet aussi. Quelqu'un qui ne veut qu'accroître son savoir n'a pas besoin de diplôme et peut se servir de ces ressources pour s'instruire de lui-même. Mais je trouve qu'il est dommage que l'on ne reconnaissance pas ce savoir que l'individu a acquis par lui-même. Ainsi, je propose d'inventer des attestations pour lesquels on pourrait passer un examen mais sans avoir de cours; juste pour faire valoir les connaissances que l'on a acquises en autodidacte. Ce serait donc moins coûteux à produire que des cours. On pourrait toutefois donner à «l'étudiant» une médiagraphie de référence pour qu'il se prépare à l'examen. Évidemment, les vrais diplômes demeureraient plus prestigieux que cette simple attestation. Il ne s'agit pas d'un nivellement vers le bas, le but est que le «bas» ne soit pas dans une totale ignorance, qu'il puisse lui aussi accéder à une partie de la connaissance et que l'on reconnaisse ce savoir qu'il a acquis. Ça permettrait de faire des nuances au sein de la catégorie «sans scolarité» pour y distinguer les incultes des autodidactes.
Dans le même ordre d'idée, je me disais que les compétences que l'individu a acquises devraient aussi pouvoir recevoir une attestation dans les cégeps. Ce pourrait être son habileté à utiliser certains logiciels qui seraient évaluées puis attestées par l'institution, ou un test standardisé de logique ou de vocabulaire, sa vitesse de frappe au clavier ou son talent pour classer des documents, mais je pensais aussi à une attestation d'aptitudes physiques. En utilisant le gymnase et le centre de conditionnement physique du cégep, je pourrais m'inscrire à une évaluation de mes performances physiques générales ou d'une compétence physique particulière, par exemple quel est le poids le plus lourd que je suis capable de soulever dix fois consécutives. Celle-ci pourrait être ensuite ajoutée à mon CV ce qui me permettrait de me faire valoir comme candidat pour un emploi qui exige ces compétences. Je pensais à ça surtout pour les femmes qui sont souvent présumées «physiquement faibles» par les employeurs, et qui pourraient éviter ce genre de discrimination de cette façon. Mais aussi, ce pourrait être vraiment pertinent pour les personnes en situation de handicap ou non neurotypiques. En ayant un vaste éventail de compétences que l'on peut faire attester, on évite que l'étroit chemin de la diplomation soit le seul qui puisse être reconnu.
Bon je ne sais pas si les idées que j'ai émises ici sont réalisables, mais le point c'est surtout qu'il doit y avoir des façons de démocratiser la connaissance autre que la gratuité scolaire inconditionnelle de tous les niveaux d'enseignement. Comme je l'ai déjà dit, pour moi il est essentiel pour une société démocratique d'instruire son peuple, puisqu'il est le dirigeant du pays.