dimanche 23 janvier 2011

Le culte du groupe

Nos sociétés occidentales modernes sont individualistes. On perçoit souvent ce mot comme étant péjoratif. Toutefois, si on le compare avec ce à quoi il s'oppose, ce que j'appelle le collectivisme, on se rend compte d'à quel point il s'agit d'un progrès pour l'éthique et la liberté. En effet, avant cette émergence de l'individualisme, on faisait passer les intérêts du groupe avant ceux des individus qui le composent. Parfois ceux-ci se confondaient avec ceux de la classe dirigeante mais, souvent, le groupe devenait considérés comme une entité sui generis ayant ses intérêts propres et pouvant les imposer à ses membres; de la même façon que j'impose mes choix de vie aux cellules dont je suis fais. Par exemple, dans une société médiévale, l'héritier du trône ne pouvait pas vraiment choisir de tout abandonner pour devenir paysan. La tradition lui imposait un rôle et une place, qui s'adonnait à être la plus privilégiée, mais dont il ne pouvait tout de même pas se déroger si jamais c'était un rôle qui ne lui plaisait pas.

Nous subissons encore de nos jours quelques survivances de cette époque. Voici des exemples d'éléments culturels qui sont directement la conséquence de ce type de sociétés:
  • Qu'il y ait des tâches ménagères ou des professions qui soient exclusives à un sexe;
  • L'interdiction du sexe hors du mariage;
  • La prohibition de l'homosexualité, de la contraception, ou de toute autre sexualité non féconde ainsi que de l'avortement;
  • Valorisation du fait de faire beaucoup d'enfants;
  • Les mariages arrangés ou l'obligation de se marier avec quelqu'un de son groupe ou de sa classe sociale;
  • L'homme qui hérite de la profession ou du statut de son père;
  • L'impossibilité d'ascension sociale (caste);
  • L'importance accordée à l'honneur et la possibilité de sanctionner le déshonneur;
  • L'importance accordé à la généalogie et aux liens du sang;
  • L'effet de halo faisant que les actes d'un individu influence la perception de tout son groupe;
  • Une justice basée davantage sur la préservation de l'ordre social et la cohésion du groupe que sur le bien-être des individus;
  • La méfiance et le mépris envers les étrangers (souvent considérés comme des barbares ou des demi-bêtes) ou les coutumes étrangères;
  • La haine envers ceux qui ont choisi de quitter le groupe;
  • Un attachement fort pour les contingences culturelles qui sont spécifiques au groupe;
  • Dénigrement du plaisir au profit du devoir;
  • Dénigrement de la réflexion au profit de l'obéissance, du conformisme et de la tradition;
  • Présence de rites complexes, nombreux, rigides et obligatoires;

C'est loin d'être une liste exhaustive mais le point c'est qu'il y a certains traits que l'on pourrait qualifié d'universaux et qui sont communs à toutes les sociétés collectivistes. Toutes ces situations où les intérêts de l'individu nous semblent inutilement bafoués, le sont parce que l'on a décidé que les intérêts du groupe primaient. On y remarque énormément de discrimination arbitraire et manque flagrant de relativisme culturel. Le sexe n'y existe que pour permettre au groupe de prolonger son existence. En fait, c'est comme si la société devenait un organisme et que les individus n'étaient plus que ses cellules. Ainsi, on s'attend d'une cellule qu'elle fasse la fonction pour laquelle elle est née, et non qu'elle essaye de faire la fonction d'une autre ou qu'elle poursuivre un quelconque but personnelle.

Ce qu'il faut comprendre, c'est que le groupe – bien que composé d'êtres – n'est pas un être en soi. Il n'a ni conscience ni désirs. Le groupe n'a que faire d'exister ou non et ne peut souffrir d'aucune façon que ce soit. Qu'on fasse tout pour le maintenir uni ou qu'on le dissolve complètement ne le préoccupe en rien. En réalité, le groupe est important seulement lorsqu'il est important pour les gens qui le composent, car c'est leur bonheur à eux qui importe vraiment. Ainsi, d'un point de vue plus utilitariste, on ne devrait jamais faire passer les intérêts des individus après ceux du groupe et l'on ne devraient considérés ces derniers que pour leur importance pour l'individu.

Mais notre individualisme moderne a toutefois ses failles. La principale étant le manque de collaboration et de soutient entre les individus. Il y a également le développement d'une sorte de méfiance face à l'association, mais elle pourrait être davantage causée par le fait que le groupe est composé d'inconnus qui sont souvent effectivement des profiteurs, que par le fait que l'on se focalise sur l'individu et ses besoins. L'absence de cohésion sociale résultant de l'individualisme peut effectivement amener plusieurs problèmes. L'isolement de l'individu lui cause parfois de la dépression, réduit son efficacité, et limite également son potentiel puisqu'en s'alliant à d'autres il pourrait accomplir bien plus qu'en restant seul de son côté.

L'idéal serait quelque part entre les deux. Ce que l'on pourrait appeler le communautarisme. Un type de société dans laquelle les individus pourraient collaborer les uns avec les autres mais sans jamais que le groupe ne s'anthropomorphise en divinité totémique embryonnaire. Où le groupe serait un moyen pour l'individu d'atteindre ses fins. Personnellement, je me dis que les grandes sociétés collectivistes qui dominèrent depuis l'Antiquité jusqu'à récemment ont dû être précédées par des sociétés étant, justement, moins collectivistes que communautaristes. Probablement qu'au Paléolithique, lorsque les humains ne vivaient qu'en petites bandes d'une vingtaine d'individus, on devait avoir ce type d'organisation sociale. Sans idéaliser cette époque primitive, je pense que sur ce point on aurait quelque chose à retenir de nos aïeux nomades.

3 commentaires:

  1. Au début, j'avais peur que ton billet n'idéalise l'individualisme, mais à la fin je crois bien que nous avons une perspective assez semblable sur le sujet. La découverte de l'individu est une découverte importante de la modernité, mais il ne faudrait pas non plus en faire une idole et lui sacrifier des choses qui sont aussi utile comme l'association. C'est pourquoi je préfère le républicanisme au communautarisme, mais c'est une autre histoire.

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  2. Le problème de l'individualisme se situe dans la gestion de ce qui est commun, c'est à dire de ce qui n'est pas appropriable (exemple : l'environnement naturel ou l'éducation). Personne ne veut payer pour les autres mais tout le monde veut en profiter plus que les autres. C'est un peu le dilemme du prisonnier...

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  3. L'être humain m'apparaît comme un individu d'abord, mais avec des "crochets" qui le relient aux autres et à l'environnement. D'où le tiraillement dialectique! Un environnement physique trop dur le brime, un environnement social trop "présent" aussi. Autrement dit, la modération a meilleur goût!

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