mercredi 7 juillet 2010

Xénophobie contre sexisme

Toutes les traditions sont fondamentalement sexistes (et, généralement, homophobes et un peu xénophobes). Parfois la femme est ouvertement considérée comme inférieure à l'homme ou comme un bien qui lui appartient, d'autrefois c'est simplement que la répartition du travail est déterminée par le sexe sans qu'il n'y ait nécessairement une hiérarchisation. Pour cette raison, il n'est pas rare qu'il y ait conflit entre l'égalité des sexes prônée par les valeurs modernes, et le respect des cultures traditionnelles. Certains opportunistes intolérants ou conservateurs utiliseront cet antagonisme pour défendre la xénophobie au nom de l'égalité des sexes ou, à l'inverse, pour défendre le sexisme au nom du relativisme culturel.

D'un côté, on doit garder en mémoire que le principe de tolérance ne nous force pas à tolérer l'intolérance. Ainsi, si une personne commet un acte sexiste (ou homophobe, ou raciste, etc.) parce que cela est dans ses traditions, il est légitime de réprouver une telle discrimination. Le relativisme culturel nous prescrit toutefois de ne pas «juger» cette personne, mais il ne faut pas la laisser faire pour autant.

Soit. Mais je constate que l'on a souvent tendance à trop facilement accuser de sexisme une pratique issue d'une autre culture (ou commise par des personnes immigrantes), alors qu'on laissera passer si c'est une pratique d'origine locale (ou commise par des natifs). Par exemple, si une femme demande à se faire examiner par une femme médecin plutôt que par un homme, on répondra à sa demande si c'est possible. Mais si la femme en question est musulmane, on l'accusera d'être sexistes ou manipulée par un mari sexiste qui la considère comme un objet. Autre exemple, si des femmes musulmanes demandent à avoir des heures «femmes seulement» à la piscine parce qu'elles se sentent gênée de se mettre en maillot devant des hommes, on leur reprochera d'être sexistes. Mais quand un centre de conditionnement physique n'ouvre ses portes qu'aux femmes, personne ne l'accuse du même délit.

On va également se servir souvent du faux prétexte de défendre l'égalité des sexes ou la laïcité pour justifier notre intolérance à l'égard de coutumes nouvelles ou étrangères. Par exemple, il n'y a rien qui justifie que l'on soit haineux envers une femme qui choisirait volontairement de porter le voile pour montrer qu'elle n'a pas honte de ses croyances. Et il serait encore moins justifié qu'on l'accuse d'être antiféministe ou d'être contrôlée par un mari sexiste. Même chose pour la polygamie qui est autorisée dans plusieurs pays musulmans mais interdite au Canada. Si une union comporte plus de deux personnes mais qu'elle est composée d'adultes lucides et consentants, il n'y a aucune raison qu'elle soit illégale. Pourtant, on continue de la prohiber soi-disant au nom de l'égalité des sexes. C'est manifestement un cas d'ethnocentrisme: les femmes occidentales ne peuvent concevoir qu'une femme puisse désirer porter le voile ou partager leur mari, alors elles se disent qu'elles sont sûrement forcées de le faire.

Pour conclure, je dirais que l'objectif qui doit être visée ici pour régler le conflit tradition/discrimination n'est pas à chercher dans une sorte de «juste milieu» entre le sexisme et la xénophobie. Ce serait plutôt d'évaluer chaque situation spécifique en mettant dans la balance les intérêts réels des individus (désirs du discriminateur versus préjudices du discriminé) et en nous libérant des biais ethnocentriques.

1 commentaire:

  1. Très intéressant.

    Personnellement, je ne suis pas musulmane, mais je n'aime pas aller ni à la piscine, ni au sauna aux mêmes heures que les hommes, précisément pour ne pas me sentir pressurée par leur regard. J'accepte d'être jugée par des regards de femmes, pas du tout par des regards d'hommes.

    Par ailleurs, je pense qu'il y a un très gros problème avec l'islamophobie, dans notre société occidentale contemporaine. J'ai eu le droit par mon niveau de revenu d'avoir des colis de la Croix-Rouge pendant deux ans. Ils fournissent des produits assez mauvaise qualité, notamment la viande. Or je suis très à cheval sur la viande que je mange. Je préfère en manger rarement, mais je veux qu'elle soit bonne. Donc j'évite les plats cuisinés à base de viande hachée, les lentilles cuisinées dans du saindoux, etc. A ma première distribution de colis, j'ai refusé la viande dans mon colis (des cotelettes de porc), la dame préposée à la distribution m'a regardé droit dans les yeux, l'air franchement antipathique, totalement sur la défense, et m'a demandé, quasiment hystérique : "vous êtes musulmane ?!"

    J'aurais pu dire oui, parce que l'islamophobie, y en a ras-la-casquette, et faire une croix sur mon colis.

    J'aurais pu faire un long discours pour expliquer pourquoi je refusais de manger de la viande de supermarché (animaux élevés dans de mauvaises conditions, tout ça), mais j'ai finalement trouvé plus simple de dire que j'étais végétarienne.

    On m'a fichu la paix pendant les deux ans où j'ai reçu mes colis alimentaires. J'ai arrêté par la suite ce type de distribution alimentaire, parce qu'on fournit aux gens des produits périmés sans aucun complexe, en décrétant qu'ils ont déjà de la chance de recevoir quelque chose, mais ça donne une idée de l'état de la société française par rapport aux musulmans.

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