vendredi 26 mars 2010

Cachez ce voile que je ne saurais voir

Je vous ai déjà présenté mon opinion sur les accommodements raisonnables. Je vais ici simplement développer davantage sur un exemple précis puisque ce sujet déjà surexploité par les médias vient d'être remis à l'ordre du jour. Je parlerai donc du port du voile, partiel ou intégral, par un individu privé ou par un fonctionnaire de l'État.

D'abord, je pense que l'État ne devrait pas nous empêcher de nous vêtir comme nous voulons. Que le gouvernement provincial impose un code vestimentaire à sa population serait abusif. Déjà qu'on n'a pas le droit de se promener nu en public, si en plus on ne pouvait pas porter de voile. Par ailleurs, quand il fait –40 dehors moi j'aime ça me voiler la face. Bref, dans les lieux publics on devrait pouvoir porter ce qu'on veut; un niqab ou un bikini.

Toutefois, lorsque l'on entre dans un établissement, il y a parfois des restrictions vestimentaires. Par exemple, il est interdit d'entrer dans un centre d'achats en bédaine ou nu-pieds. Je pense donc que, s'il serait illégitime pour le gouvernement d'interdire le port du voile intégral, il serait tout à fait pertinent qu'une banque ou un dépanneur oblige ses clients à se découvrir le visage en entrant, afin d'éviter qu'un voleur ne puisse demeurer inidentifiable. Et si c'est une école qui décide qu'un étudiant devrait se découvrir le visage pour passer un exposer oral, ça m'apparaît également légitime. Il me semble que c'est là que je mettrais la limite : le visage. Qu'une personne se voile les cheveux ou qu'elle nous montre son nombril, c'est de ses affaires. Mais se cacher le visage complique les interactions sociales et empêche l'individu d'être identifiable. Ce qui me fait dire que si un établissement a le droit d'interdire à ses usagers de se promener torse nu, il devrait encore plus avoir le droit de forcer ses usagers à se promener visage nu.

Pour le reste, je pense qu'il serait abusif et xénophobe d'interdire aux gens de se voiler les cheveux. Ce serait manquer de respect à la personne dans ses croyances et sa pudeur. Pour les Occidentaux, il est immoral de se montrer nu publiquement et c'est illégal dans plusieurs États d'Occident. Personnellement, j'ai de la difficulté à comprendre ce double standard de la pudeur. Peut-être que certaines personnes sont gênées de montrer leurs cheveux en public comme d'autres le seraient de montrer leurs seins. On ne devrait forcer personne à montrer contre son gré certaines parties de son corps, tout comme on ne devrait pas non plus forcer les gens à cacher leur corps.

Je tiens juste à souligner que je n'ai pas tenu compte de la religiosité de cette pratique car ça m'apparaît sans importance. Évidemment, l'idée même qu'il existerait un être tel que Dieu étant pour moi ridicule et puérile, le fait que ce Dieu puisse s'intéresser à nos vies au point de nous imposer un code vestimentaire dépasse à mes yeux les limites de l'absurdité. Toutefois, si c'est important pour une personne de se coiffer d'un voile ou d'un turban, alors on doit considérer cette importance et la mettre dans la balance avec les conséquences de cette pratique. Si une pratique est importante pour moi et que m'y adonner ne fait de mal à personne, il n'y a rien qui justifie qu'on m'en empêche. Vouloir à tout prix interdire tous les symboles musulmans ou sikhs sous le couvert de la laïcité (tout en défendant ardemment sur l'autre front les symboles chrétiens tel que le crucifix à l'assemblée nationale et la prière à l'hôtel de ville) m'apparaît être un manque flagrant de tolérance. Et si, vraiment, ce qui nous préoccupe n'est pas le voile comme tel mais la croyance dont il est le symptôme, l'interdire serait absurde puisque cela ne sortira pas pour autant la personne de sa croyance mais, au contraire, la poussera à y croire plus farouchement.

Maintenant un dernier cas plus spécifique : celui des employés de l'État (fonctionnaires et enseignants) dans le cadre de leur travail. Je ne suis pas aussi sûr de mon opinion sur ce point. Peut-être que, dans ce type de situation, la religiosité d'un vêtement devrait être pris en compte. Si une personne représente l'État et que nous sommes un État laïc, ça m'apparaît sensé de proscrire les signes religieux ostentatoires dans le code vestimentaire des fonctionnaires; tout comme il leur est logiquement interdit de porter un vêtement affichant leurs opinions politiques ou un message publicitaire. Toutefois un individu ne demeure qu'un individu. En autorisant le port des signes religieux par les fonctionnaires, quelles que soient leur religion, on mettrait en relief le fait que nous sommes un État pour la liberté des croyances. Non? C'est pour ça que moi je ne l'interdirais qu'aux gens qui ont une fonction de pouvoir, d'autorité ou d'influence, au sein de l'État.

2 commentaires:

  1. L'argument que tu présentes ici est pertinent et clair! C'est aussi celui qui est souvent soulevé pour s'attaquer à certaines expressions de croyance particulière.

    Je trouve légitime, par exemple qu'un employer des élections ne porte pas un chandail avec un signe explicite de son allégeance politique.

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  2. Je suis assez d'accord avec ça. Pour ma part j'ai été assez choqué par ces campagnes médiatiques (du moins en France) qui visent à réguler les habitudes vestimentaires.
    La plupart des arguments concernent le droit des femmes, mais il me semble qu'en légiférant sur les vêtements, on s'attaque aux symptômes plutôt qu'à la source et on se retrouve avec des lois qui ne sont plus à vocation universelle, mais liées à un contexte bien particulier.

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