samedi 21 mars 2009

La vie après la mort

La plupart des gens croient en ce qu'ils appellent «l'âme». Il s'agit d'un hypothétique organe invisible où siégeraient notre conscience, notre personnalité, nos souvenirs, notre raison et certaines de nos émotions. L'âme aurait la faculté de survivre à la mort du reste du corps et de préserver éternellement son existence en transmigrant d'un corps à l'autre, en devenant un fantôme ou en allant vivre dans un «au-delà».

Comme le déisme, la croyance en l'après-vie est une position que je respecte. En autant qu'elle se limite à ça. Si l'on ne spécule pas sur le sort des âmes défuntes et que l'on ne prétend pas pouvoir communiquer avec elles, la croyance en l'au-delà ou en la réincarnation n'est pas un obstacle à la quête de vérité et est tout à fait compatible avec une éthique éclairée. Bref, je n'ai rien contre l'existence de telles croyances.

Mais aussitôt qu'on y rajoute une notion de karma (par exemple, selon laquelle les «pécheurs» vont en Enfer ou se réincarnent en limaces) ou de spiritisme (c'est-à-dire, la possibilité pour les vivants de communiquer avec les morts), on ne parle plus d'une simple croyance rassurante mais d'obscurantisme. Celui qui peut faire croire à ses semblables qu'il sait les secrets de l'après-vie, pourra leur faire faire ce qu'il veut. Car, il les manipulera par leur plus grande faiblesse, celle qui fait que l'on a besoin de donner un sens à nos vies : la peur de mourir et de perdre ceux qu'on aime. Ce charlatan pourra leur soutirer des sommes faramineuses en échange d'une séance de spiritisme pour communiquer avec un proche trépassé, ou d'indulgences pour écourter leur séjour au purgatoire.

Si l'on me demande personnellement si je crois qu'il y a une vie après la mort, je répondrai par la négative. Pour moi, l'âme n'existe pas indépendamment du corps, donc elle meurt avec lui. La croyance en l'âme est la conséquence d'une illusion inhérente à notre façon de modéliser le monde. La question «Que vit-on après la mort?» m'apparaît donc aussi paradoxale que «Qui avait-il avant le début du temps?» ou «Que font cinq divisés par zéro?».

Quand je dis que je crois qu'il n'y a rien après la mort, les gens s'imaginent généralement que je crois que notre âme continue son existence dans un néant ténébreux jusqu'à la fin des temps. En fait, comme nous le disait le philosophe Épicure (341–270 av. notre ère), «la mort n'est rien pour nous» puisque «tant que nous existons la mort n'est pas, et que quand elle est là nous ne sommes pas». Pour faire un lien avec ma réflexion sur le fait que le temps est une dimension, c'est comme si ce qui se passait après notre mort avait lieu dans un endroit où nous ne sommes pas (le futur). Et, c'est comme si ceux qui sont morts se trouvaient dans un lieu où nous ne sommes plus (le passé).

Cela ne nous renseigne pas vraiment sur l'expérience subjective que vît le mourant. Mais je me dis que nul n'expérimente vraiment la mort. Nous n'existons, en tant que conscience, que dans cette zone appelée «corps» et dans cette période appelé «vie». On peut se représenter cela comme si, après la mort, on revenait à notre naissance et que l'on revivait ainsi perpétuellement la même vie en boucle continue sans s'en rendre compte. Ou, comme si le présent et l'écoulement du temps n'étaient qu'illusion et qu'en réalité on existe «éternellement» en occupant tout l'espace temporel qu'est notre vie. Mais ce ne sont là que des images pour nous représenter l'inconcevable; une conscience ne peut concevoir sa propre non-existence.

Quoiqu'il en soit, même s'il s'avérait qu'il y a effectivement une «autre vie» après celle-ci, je pense que cela ne change rien à l'importance de notre vie actuelle. Vivons-la tant que nous sommes dedans. S'il y en a une autre ensuite, on verra ce qu'on fera rendu là.

8 commentaires:

  1. Je suis d'accord avec toi et je pense aussi que Finalement, notre mort nous en dira plus =]

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  2. Ok, mais il y a quelque chose que je ne comprends pas. J'ai posé la question sur plusieurs forum, ça fait des années que j'y réfléchit et j'ai toujours pas la réponse, peut être que tu sais.

    Certains naissent dans des conditions abominables, handicapé mental et moteur, laids dans une famille d'alcoolique, ce sera difficile pour eux d'avoir une belle vie. D'autres naissent avec un corps parfait, intelligents beaux, c'est beaucoupp lus facile pour eux d'avoir une belle vie.

    Comment tu expliques ça selon ta théorie qu'on ne vit pas après la mort. Pourquoi l'un aurait une vie horrible et l'autre une belle vie?
    Pourquoi l'un va travailler dur tout le temps et l'autre paresser, ils ne seront pas pareils après la mort.
    Je trouve que la réincarnation, au moins une fois, pourrait l'expliquer.
    Qu'est ce que tu en penses.

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  3. Il y a une différence énorme entre expliquer et justifier. Ou, si tu préfères, entre le Comment? et le Pourquoi?.

    Si tu cherches à expliquer comment ça se fait que telle personne est riche, séduisante et en santé alors que telle autre est pauvre, laide et malade, je puis te donner des causes socioculturelles et génétiques. Mais ça ne semble pas être le coeur de ta question.

    Vraisemblablement, tu cherches un "sens" à ces injustices. Un Pourquoi? métaphysique. Ton explication, à partir de la réincarnation, n'est pas une explication proprement dite. Ce serait plutôt une croyance. C'est en effet très dur d'accepter toutes les injustices qu'il y a dans le monde; qu'elles soient naturelles ou sociales.

    Si on introduit le concept de réincarnation et celui de karma, et que l'on se dit qu'une même âme vivra autant de vies de souffrance que de vies de bonheur, on pourra alors se dire que la justice existe. Chaque conscience expérimentera exactement autant de souffrance et de bonheur dans son existence éternelle. Mais sur quoi fonderait-on notre croyance? Sur des observations empiriques ou sur notre désir viscéral que le monde soit juste? L'hypothèse la plus l'fun n'est pas nécessairement la plus vraie.

    À la limite, on pourrait presque dire que ton explication est dangereuse. Quelqu'un qui y croirait, pourrait se dire que les pauvres, les laids et les handicapés "méritent" leur sort et s'abstiendra de les aider en se disant que, de toute façon, s'ils endurent comme il faut leur vie de pauvreté, ils se réincarneront dans une meilleure vie après leur mort. Il pourra aussi prendre pour acquis que tout ce qu'il a lui est dû, et s'abstiendra de partager les bienfaits que la vie lui offre puisqu'ils sont sa récompense pour les souffrances de ses vies antérieures.

    Voilà c'est à peu prêt comme ça que je vois ça. Si tu as d'autres questions ou si j'ai mal répondu à celle-ci, n'hésite pas à me le faire savoir, il me fera plaisir de te répondre au mieux de mes capacités.

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  4. La vie après la mort ? Il y a d'autres manières de voir les choses que le "après " :

    Lorsque l'on joue à un jeu vidéo, le temps à l’intérieur du jeu est un sous-temps de notre temps. Maintenant, les joueurs qui jouent au jeux vidéos, utilisent souvent des fonctions présentes dans la plupart des jeux qui sont : pause, retour en arrière, sauvegarde d’états différents du jeu pour revenir plus tard depuis une “bifurcation” passée, sauvegarde du déroulement complet pour re-visionner, etc. Lorsque tu reprends une partie, le temps s’est arrêté entre-temps pour toi mais pas à l’intérieur du jeu (s’il y avait présence d’automates conscients, ce que nous sommes suivant le paradigme matérialiste réductionniste, ils ne ressentiraient aucun arrêt). Lorsque tu reviens en arrière, un nouveau temps démarre à l’intérieur du jeu mais à partir d’une “instanciation parallèle” depuis la bifurcation passé choisie : à l’intérieur du jeu, tout se passe comme si la suite n’avait pas eu lieu sur cette parallèle qui est en train de s’écrire et que des automates conscients dans le jeu vivraient naturellement sans aucune interruption, et que toi seul vois comme un retour dans le passé, tandis que l’autre possibilité suspendue continue de se jouer naturellement dans le jeu à partir du moment où elle sera joué un jour dans ton temps à toi, etc. Pourquoi peut-on le faire ? Parce que tous les états d’espace-temps dans le jeu peuvent être conservés en mémoire et que les espaces-temps se réduisent de fait à des informations en relation (les notions d’espace et de temps ne sont en fait que des illusions pour d’éventuels automates conscients dans le jeu, ou plutôt, des émergences phénoménales à une échelle de complexité et d’organisation suffisante). Maintenant, si nous sommes nous-mêmes dans un jeu (spéculation fantaisiste), alors il est peut-être plus pertinent de raisonner en "hors notre temps" qu'en "après".

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  5. Une redéfinition athée de la notion d'âme ici (je ne suis pas athée mais je reconnais de la valeur à la spiritualité athée) : http://www.amazon.fr/Court-trait%C3%A9-l%C3%A2me-Philippe-Lazar/dp/2213636168

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  6. Ce que tu dis à propos du temps relatif des personnages de jeu vidéo rejoint parfaitement bien ce que je pense et que je dis à propos du temps ici :

    http://chezfeelozof.blogspot.com/2009/01/le-temps-est-une-dimension.html

    Mais en ce qui concerne le «hors du temps», même si l'on peut spéculer sur l'existence possible de choses en dehors de notre axe temporel, je pense qu'il ne serait pas très parcimonieux de présumer que notre conscience prolongerait son existence au-delà de la mort en bifurquant hors de notre temps. Ce serait une hypothèse moins basées sur les données observables que sur notre désir d'immortalité. Et, l'hypothèse la plus agréable n'est pas nécessairement la plus vraie.

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  7. Avant de continuer, je tiens à préciser une chose : mes péculations sont des spéculations. Ainsi, je sais parfaitement qu'il est plus que très fortement probable que ce ne soit que pure fantaisie. De plus, comme mes spéculations sont tout à fait particulières, il est de fait certain que j'ai absolument tort dans les détails. C'est pourquoi je suis dans une position philosophico-existentielle absurde assumée.

    Je n'ai pas choisi le jeu dans lequel je suis mais je m'estime libre d'en apprécier des parts ou non. Si j'estime qu'il serait plus juste autrement ou que je sois dans un autre jeu, ce qui est évidemment subjectif mais peut-être pas totalement, alors je suis libre de faire un fuck sumbolique aux lois de la physique et à leur indifférence qui va de toute manière me broyer : je vais mourrir en homme libre "défiant" (petit éclair dans le vide).

    Maintenant, rien ne m'empêche de partager avec d'autres des choix que ceux naturels. Après tout, je n'ai pas à m'en vouloir pour ce qui ne dépend pas de moi et ce qui compte pour nous n'est-il pas ce qui dépend de nous ? Cela peut être par le fait de faire vivre des univers mentaux qui nous plaisent, d'autant plus poignants s'ils sont associés à des vécus forts (tout ne se vaut pas), au niveau culturel (mémétique ou non). On peut aller plus loin : imaginer un jour avoir des clubs qui maintiennent des serveurs de jeux (jeux où les diverses régles sont choisies par des fédérations d'associations comme au niveau de la discussion que j'ai déjà mentionné) dans lesquels les gens se téléchargent. N'est-il pas plus poignant d'essayer de sauvegarder des beautés singulières qui s'effacent irrémédiablement que des universels qui sont inscrits dans le jeu (n'importe quelle intelligence suffisante retrouvera la science après nous ou ailleurs que nous, découvrir la science sert essentiellement à l'action efficace) ?

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  8. Retour sur le côté "parcimonieux" :

    Considérons tout d'abord un être qui considère lui-même que n'existe que l'univers auquel il a conscience d'appartenir. Le principe de parcimonie peut nous permettre d'affirmer que cet être est raisonnable en pensant cela. Moi je considère que la raison ici nous indiquerait plutôt que la position de cet être est nombriliste car il ne me paraît pas raisonnable du tout qu'il soit probable que n'existe que cet univers juste parce qu'il y a un être qui est dedans et qui en a conscience. De plus, ma position semble raisonnablement renforcée par le fait que l'humanité a déjà eu maintes fois tendance à faire cette erreur (genre la terre au centre de l'univers).

    Enfin, il y a dans l'histoire des sciences de nombreux exemples où le principe de parcimonie appliquée aux informations connue à une époque ne donne pas le même résultat par la suite. Exemples :
    - la relativité d'Einstein vis à vis des conceptions euclidiennes. Ajoutons que, bien avant, Gauss avait entrepris de faire des vérifications expériementales sur la somme des angles de gands triangles (drôle d'idée non ?) afin de vérifier certaines de ses spéculations sur la réalité de géométries non euclidiennes. Cela avait été tenu secret par peur de se mettre à dos des conceptions scientifiques "réalistes" comme celles de Kant (Gauss, tout en étant le génial et incontesté princeps mathematicorum, n'était pas très "burné"; au passage, qu'est ce qu'il y a comme conneries chez Kant, et qu'est ce qu'il y a comme arguments d'autorité en philosophie ...).
    - le passage à la relativité générale (pas restreinte) n'a pas respecté pas le principe de parcimonie et heureusement que des expériences très ultérieures ont confirmé la théorie.
    - Mach considérait qu'à son époque l'hypothèse atomiste était trop compliquée et ne respectait pas le principe de parcimonie. On sait aujourd'hui ce qu'il en est. Ce qui est d'ailleurs rigolo est l'inflation paramétrique qui se produit avec toutes les théories récentes (le pire étant probablement la théorie des cordes).
    - Hamilton, lorsqu'il reformule la mécanique de son époque avec ses nouveaux outils mathématiques, met un facteur dont il n'a pas besoin à zéro (principe de parcimonie). En fait, en ne mettant pas à zéro ce petit terme il aurait anticipé longtemps à l'avance un possible tout à fait réel : celui de la physique quantique.
    Etc.

    Alors, tout en essayant d'être efficace dans ma vie professionnelle, sociale et privée, je m'autorise aussi de spéculer. Ainsi, il ne me déplaît pas (j'assume ce plaît/déplaît) d'imaginer que la fluctuation du vide qui a donné lieu à notre univers n'est pas unique et que des jeux couplés existent, éventuellement même que des échelles de conscience (pourquoi pas à l'échelle du multivers ?) supérieures aux nôtres ont acquises des propriétés de sauvegarde (l'évolution suffit pour cela, ordo ab chaos, à l'image de l'adn par exemple). Du moment que cela ne m'empêche pas d'être efficace dans la réalité (je connais des gens qui font plein de choses et qui s'en sortent pas mal tandis que d'autres n'arrivent pas à être bons dans la seule chose qu'ils font !) ... et il peut même y avoir un côté entrainement de la créativité logique là-dedans (Ainsi, Haïm Brezis fait un parallèle entre son activité de créativité dans le judaïsme et son activité de créativité en mathématiques, mais il ne mélange pas science et spiritualité).

    Enfin, puisque tu sembles tolérant avec le déisme, avec le genre de réflexion "jeu vidéo", j'ai en réserve des jeux théistes sans intervention dans le temps du jeu. Disons que j'aime bien jouer à la limite entre déisme et théisme ...

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