mardi 3 février 2009

L'arbitraire de nos catégories mentales

Comme je l'ai dis précédemment, je vois l'univers comme un continuum. J'ai dis que toutes nos façons de découper le monde étaient arbitraires, mais ce n'était pas totalement vrai. On peut voir l'univers comme un grand Tout insécable mais il y a certains entités qui sont, disons, plus « réelles » que d'autres ou au moins plus empiriques. Je désigne donc les regroupements selon plusieurs types : les îles, les agrégats, les taxons, les systèmes, les fonctions et les catégories.

J'appelle « île » toute agglomération qui est suffisamment homogène et suffisamment distincte de ce qui l'entoure. Si je tiens une roche dans mes mains, je puis dire qu'elle est une « chose réelle » et qu'il ne s'agit pas que d'une « convention sociale arbitraire » que de considérer qu'elle constitue une entité distincte de l'air autour d'elle. Le taux d'homogénéité interne de l'île peut varier.

Je désigne comme « agrégat » un ensemble de particules non-homogènes mais qui adhèrent les unes aux autres davantage qu'avec leur environnement. Par exemple, un objet comme un crayon est composé de mine, de bois et de métal, mais tous sont soudés ensemble de sorte qu'ils se déplacent ensemble dans l'univers.

Ces deux premiers types d'ensemble sont assez peu arbitraires puisqu'ils sont tangibles à notre échelle. Ils constituent des entités, des unités, des objets ou des individus. Mais qu'en est-il des ensembles plus grands? Des regroupements de ce type d'entités?

Une catégorie est un ensemble d'unités que l'on regroupe ensemble sur la base du fait qu'elles partagent certains attributs communs. Le choix de ces traits communs est nécessairement arbitraire. La catégorie n'est vraiment qu'un pur raccourci mental pour appréhender la complexité de l'univers. Il ne faut donc pas faire comme si cet ensemble existait empiriquement. Je parle ici des races, des nations, des cultures, etc. Il n'y a empiriquement rien qui « relie » les entités composants une telle catégorie; ni une proximité, ni une interaction.

Un système est un ensemble d'entités qui interagissent les unes avec les autres significativement plus qu'avec leur environnement. Même si le degré d'ouverture du système varie et qu'il prend normalement part à un système plus grand que lui, je pense que l'on peut considérer le système comme l'unité la moins arbitraire pour circonscrire « une chose ». Un organisme est un système qui lui même fait partie d'un écosystème tout en étant composé de plusieurs systèmes (cardiovasculaire, nerveux, endocrinien, digestif, etc.). C'est le seul ensemble supra-individuel qui me semble avoir une existence propre empiriquement parlant.

Un taxon me semble également une manière légitime de classer les entités. J'entends par là un ensemble d'unités qui ont un ancêtre commun. C'est principalement pour classer le vivant que l'on utilise cette classification. C'est pratique pour faire des sous-catégories. Notez toutefois que le taxon n'est pas « une chose en soi » mais demeure une catégorie abstraite. Ses composants n'interagissent pas suffisamment les uns avec les autres pour constituer un système. C'est, par contre, une classification plus scientifique que la simple catégorie puisque les attributs ne sont plus associés arbitrairement.

Une fonction peut également servir à classer les choses. Principalement, pour classer les objets de fabrications humaines (ce qui distingue un tabouret d'une table à café serait l'usage que l'on en fait plus que l'apparence) mais aussi, pour classer les entités à l'intérieur d'un système. Par exemple, si l'on classe les humains par profession ou par sexe. Ce type d'ensembles existe empiriquement à l'échelle de son système mais pas nécessairement dans les attributs intrinsèques des unités qu'il rassemble. Souvent, ces dernières auront une plasticité suffisante pour changer de fonction et l'on doit en tenir compte.

On peut donc en conclure que certains ensembles sont « plus empiriques » que d'autres et que certains sont moins arbitraires que d'autres. Toutefois, il n'en demeure pas moins que ces classifications ne doivent exister que pour faciliter notre compréhension de l'univers. Conservons en mémoire qu'elles sont avant tout des façons de nous représenter le réel et non le réel lui-même.

3 commentaires:

  1. Il y a une chose que je reproche à certains de tes commentaires sur ton blogue, et je me permets de te l'écrire ici [pour ceux qui ne le savent pas, je connais très bien Feel O'Zof, assez pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté pour lui quant à l'intention que ce message a].

    Il n'y a parfois pas de distinction claire entre ce que tu définis comme tes concepts et ceux que tu prends ailleurs. Ce post en est le meilleur exemple :

    "J'appelle « île »"
    "Une catégorie est"

    Je trouvais intéressant tes deux premiers concepts, qui étaient clairement les tiens, car tu parlais au je. Ensuite, quand on arrive au concept de catégorie, on ne sait plus trop si tu empruntes cette définition ou si elle t'appartient (et, comme je suppose qu'il s'agit d'un peu des deux, quelle part est la tienne et quelle(s) part(s) est tirée d'où(x; si seulement il y avait un signe de pluriel pour le "où").

    Référer davantage à des auteurs pourrait nous aider à voir quel bagage nous avons déjà en commun pour pouvoir savoir où aller chercher des éléments qui pourraient nous aider collectivement à faire avancer nos réflexions.

    (Bien que je sache que plusieurs de tes réflexions ne viennent pas de sources extérieures, ce type de texte me semble quand même tiré de plusieurs sources, qu'il serait intéressant de connaître.)

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  2. C'est un point de vue. D'autres personnes - dont celui qui se fait appelé Laho sur ce blog - te diraient au contraire que trop citer de sources donne l'impression de ne pas avoir d'opinions personnelles et de seulement copier-coller celles d'autrui.

    Pour ma part, je me situe entre les deux. Donner des sources démontrent que l'on a une culture générale et que l'on connaît ce qui a déjà été dit. Mais cela ne change rien à la rigueur de la réflexion comme telle, c'est seulement un indice sur l'étendue des données prises en compte.

    Les réflexions sur ce blogue sont presque intégralement tirées de ma tête, mais je sais que plusieurs d'entre elles ont sans doute déjà été dites par d'autres précédemment. Quand je trouve un auteur qui a déjà formulées (souvent mieux que je n'aurais pu le faire) une réflexion que je me suis faite à moi-même, je le cite. Autrement, j'essaie de convertir dans mes mots les concepts et les réflexions synthétisés par mon esprit tortueux.

    Mais prends pour acquis qu'il y a un « selon moi » devant chacune de mes phrases.

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  3. C'est une question de travail en équipe. Comment peut-on espérer servir à quelque chose dans la société - donc, que nos réflexions soient reprises ou servent de modèle - si on n'est pas capable de faire la même chose. Les idées, c'est quand elles se confrontent qu'elles sont pertinentes. Mais comme la société actuelle n'a plus le modèle de la cité grecque (une chance, car la population qui pouvait parler était limitée), il faut que nous puissions communiquer entre nous sans être présents physiquement partout. En ce sens, citer devient une manière de respecter les opinions bien davantage que de ne pas citer. Je crois donc qu'il est essentiel, pour que notre travail soit utile, de faire exactement ce qu'on s'attend à ce que les autres fassent de notre travail, c'est-à-dire citer (ou du moins référer clairement, reformuler, etc.).

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